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Qu’est-ce qu’une adaptation réussie de jeu vidéo ? Faut-il reprendre tous les codes du « gaming » ou bien s’en éloigner ? Et quel savoir-faire français en la matière ? Décryptage avec Pascal Charrue, cofondateur du studio d’animation Fortiche Production (la série Arcane ? League of Legends) et Anthony Roux, fondateur du studio Ankama et réalisateur du film Dofus et de la série Wakfu.

Chaque adaptation de jeu vidéo, sur petit ou grand écran, doit se confronter à ce casse-tête : comment satisfaire le public de gamers tout en éveillant la curiosité de ceux qui n’ont jamais touché une manette de leur vie ? « Nous voulions un projet qui laisse son empreinte dans le milieu de l’animation, par sa qualité et son intrigue, en étant vu par le plus grand nombre, fans comme néophytes », se souvient Pascal Charrue, cofondateur du studio parisien Fortiche Productions, à qui Riot Games a fait confiance pour adapter son jeu League of Legends. Diffusée sur Netflix, la série Arcane a été sacrée meilleur programme d’animation aux Creative Arts Emmys 2022.

« Une de mes premières questions à Christian Linke, un des showrunners d’Arcane [avec Alex Yee, ndlr], a été : ‘Quelle sera notre cible ?’ Pour lui, il s?agissait des fans du jeu. Il nous fallait donc ajuster certains curseurs ? couleurs, formes, proportions et caractérisation des personnages ? pour permettre aux néophytes de rentrer doucement dans l?univers très fantasy du jeu. Une équipe talentueuse d’artistes internes à Riot Games faisait le pont entre nos intentions et le ‘lore’ du jeu (ensemble des éléments relatifs à l’univers d’un jeu – ndlr). Riot Games nous a aidés à placer quelques ‘easter eggs’ (détails cachés – ndlr) pour satisfaire les fans. Et Fortiche a cherché le meilleur moyen de mettre en lumière la genèse des personnages pour les spécialistes et une histoire passionnante pour les non-initiés », explique Pascal Charrue.

Un constat partagé par Anthony Roux, qui de son côté a la charge d’adapter en interne les jeux d’Ankama, le studio roubaisien. « Le plus compliqué, c’est toujours l’histoire, la narration. Il s’agit de trouver une porte d’entrée pour ceux qui ne connaissent pas votre univers. De rester fidèle, forcément, à ce que vous avez créé à l’origine, mais aussi d’aller un peu plus vers le grand public. Par exemple, quand j’ai porté Dofus au cinéma, j’ai fait en sorte de créer de nouveaux personnages auxquels ceux qui ne connaissaient pas le jeu pouvaient s’attacher. Il faut que les personnages principaux découvrent l’univers ? ou en tout cas les règles de l’univers ? en même temps que les nouveaux spectateurs. Et après, pour satisfaire les fans, il faut ajouter quelques liens avec le jeu, des petits clins d’oeil », déclare Anthony Roux.

Chaque projet d’adaptation est confronté à des obstacles. Une façon pour les studios de s’adapter et d’évoluer. Pour Fortiche Production, le contrat passé avec Riot Games a été l’occasion de se développer à l’échelle industrielle. Pascal Charrue explique : « Nous avons dû passer d’un ‘pipe’ artisanal de quelques dizaines de personnes, des généralistes, à un ‘pipe’ plus industriel, pouvant convenir à une série comme Arcane et réunissant plusieurs centaines d’artistes. Nous avons également dû faire évoluer le studio, passant de 40 à 250 personnes en très peu de temps. Aujourd’hui, nous avons 400 employés. Sur la première saison d’Arcane, environ 560 personnes ont participé au projet, tous départements confondus. Une partie à Paris et les autres dans nos studios annexes à Montpellier et Las Palmas, en Espagne. » Il résume une adaptation réussie de jeu vidéo à « l’exigence, la prise de recul et surtout, l’envie de faire quelque chose d’original. C’est primordial.

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